Où vivre … à distance des pesticides agricoles ?

Mai 12, 2025 | Data, Pesticides, pollution agricole

Lorsqu’un scandale éclate — pollution industrielle, marée noire, déversement toxique — les médias s’emparent de l’affaire : on identifie rapidement un responsable, un lieu, une cause.

Mais qu’en est-il des pollutions plus discrètes, plus diffuses, qui s’insinuent dans nos modes de vie ? Industrie, transport, agriculture, consommation… Autant de sources permanentes, souvent invisibles, qui façonnent la qualité de notre environnement immédiat. Et parfois, sans que nous en ayons conscience, de notre santé.

Parmi elles, les pesticides agricoles posent un enjeu majeur, à la fois sanitaire, scientifique… Et résidentiel !

 

🧪 Un consensus scientifique de plus en plus solide

En 2021, l’expertise collective de l’Inserm (sur la base d’une analyse de plus de 5 300 publications scientifiques internationales) a établi une présomption forte de lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et plusieurs pathologies graves, telles que les lymphomes non hodgkiniens, le myélome multiple, le cancer de la prostate, la maladie de Parkinson, les troubles cognitifs et les maladies respiratoires chroniques.

En 2024, deux études clé enfoncent le clou :

« Des parcelles aux habitants : développement d’un indicateur de risque spatialement explicite pour surveiller l’exposition résidentielle aux pesticides en zones agricoles » du Centre Commun de Recherche de la Commission européenne.

« Évaluation de l’exposition de la population aux pesticides grâce à une carte haute résolution de l’intensité d’utilisation des pesticides en France métropolitaine » de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)

 

🔥Les pesticides agricoles : sujet polémique

Le sujet est de plus en plus médiatisé, comme le montre ce graphique réalisé sur le site data.ina.fr qui recense « le nombre de tours de parole dans lesquels le mot recherché a été détecté au moins une fois par l’IA dans les matinales de 7 chaînes de radios » :

data.ina.fr 

 

 

Cette courbe d’exposition médiatique pourrait s’envoler en 2025 avec la Loi d’orientation agricole adoptée au Sénat en février 2025 et qui introduit le principe selon lequel un pesticide « ne peut être interdit que s’il existe une alternative économiquement viable et techniquement efficace ».

Cette disposition, soutenue par des syndicats agricoles comme la FNSEA, vise à protéger les agriculteurs des interdictions jugées prématurées. Cependant, elle est critiquée par des associations environnementales, qui y voient un frein à la transition écologique et une menace pour la santé publique.

Ce texte est vivement contesté par des ONG et associations comme France Nature Environnement, qui dénoncent un recul majeur en matière de protection de l’environnement et de la santé publique.

 

🗺️ Pollutions et stratégie résidentielle ?

Chez ou-vivre.fr, nous avons voulu intégrer l’impact géographique des pollutions dans une approche de stratégie résidentielle individuelle. Mais rapidement, un constat s’impose : en France, il n’existe quasiment pas de données sanitaires accessibles à échelle fine.

Par exemple, la dernière compilation d’étude sur les cancers mise à jour par Santé Publique France en juillet 2024 se base sur les données des seuls 23 départements disposant d’un registre des cancers (réseau Francim).

De plus, l’outil cartographique Géodes de Santé Publique France ne propose pas de données pertinentes sous l’échelle régionale, alors que, dans le même temps, des publications officielles titrent sur de « fortes disparités géographiques ».

Alors comment évaluer, localement, les risques liés aux pollutions ?

 

📊 Une méthode : indicateurs indirects + principe de précaution

Face à l’absence de données sanitaires détaillées, nous nous appuyons sur des indicateurs indirects de pollution : les lieux d’émissions polluantes et les lieux de mesures de polluants.

Pollution de l’air (particules, ozone, NO₂…),

Pollution de l’eau (boisson, baignade, pêche),

Pollution sonore, visuelle, électromagnétique,

et bien sûr, pollution agricole (ammoniac, pesticides).

Deux principes guident notre approche :

1.  “La dose fait le poison” (Paracelse) : c’est la répétition de l’exposition qui est dangereuse.

2.  “L’emplacement de notre habitat influence notre exposition”.

Dès lors, par principe de précaution, il nous semble logique d’éviter de vivre trop près des principales sources de pollution, dès lors qu’on peut les identifier.

Chez ou-vivre.fr, les cartes que nous réalisons à des fins de stratégie résidentielle diffèrent légèrement des cartes diffusées par les médias ou les scientifiques.

Les données sources sont les mêmes, mais l’objectif poursuivi n’est pas de sensibiliser sur telle ou telle cause ni d’influencer des choix collectifs ou des politiques publiques.

Notre objectif est beaucoup plus limité et pragmatique : fournir une aide à la décision la plus neutre et précise aux individus.

Nous sommes convaincus que les réflexions et actions individuelles sont plus puissantes sur le long terme que les actions collectives ponctuelles, même si celles-ci sont complémentaires.

 

🌍La cartographie parcellaire des pesticides agricoles

Afin d’estimer l’exposition aux pesticides dans l’environnement proche des habitations, nous nous sommes appuyés sur deux sources principales :

La première est le Registre Parcellaire Graphique (RPG), une base de données qui identifie les parcelles agricoles en France, principalement pour la gestion des aides de la Politique Agricole Commune (PAC) depuis 2002. Il permet de visualiser très précisément l’implantation des parcelles cultivées et des types de cultures sur le territoire, à l’échelle de la parcelle.

  La seconde correspondant à L’Indice de Fréquence de Traitement (IFT) qui indique le nombre de doses appliquées par hectare par année. Il est principalement basé sur les données de l’Agreste (Service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture) produites à l’échelle régionale, par type de culture. Lorsque les données régionales sont manquantes, un indice national est alors utilisé par défaut.

En combinant ces deux jeux de données, il devient possible de cartographier avec finesse l’intensité des traitements phytosanitaires sur le territoire. Nous avons fait le choix de l’approche parcellaire car elle correspond à l’échelle de l’habitat. L’approche communale peut être plus précise dans ses chiffres mais moins précise géographiquement (et s’avérer visuellement plus anxiogène !).

Cartographie parcellaire des pesticides agricoles échelle hexagonale

Bien que cette méthode offre une cartographie très précise, elle présente tout de même quelques limites :

► Tout d’abord, il faut prendre en compte la rotation des cultures. Comme les cultures et les emprises déclarées changent d’une année sur l’autre, il devient alors difficile de calculer une moyenne fiable de l’exposition aux pesticides. Pour contourner ce biais, sur ou-vivre.fr nous avons choisi de présenter trois cartes différentes, correspondant aux trois dernières années disponibles.

► Ensuite, la donnée RPG couvre bien 91,5 % des surfaces agricoles, mais elle reste moins précise pour certaines cultures, notamment la vigne et les vergers. Cela signifie que dans certaines zones viticoles ou fruitières, l’exposition réelle peut être sous-estimée.

► Enfin, il faut rappeler que les pesticides ne s’arrêtent pas aux bords des champs. Le vent, l’eau ou le ruissellement peuvent transporter ces substances au-delà des zones agricoles. Ainsi, même en habitant près d’une parcelle bio, un risque d’exposition reste possible, même s’il est réduit.

A l’échelle hexagonale, les pesticides ne sont pas uniformément répartis sur le territoire. On retrouve les plus fortes concentrations dans les secteurs de grandes cultures (Aisne, Somme), de viticulture (Cognac, Bordeaux, Rhône, …) et de vergers (pommes, abricots), …

Au-delà de ces secteurs de cultures intensives, toute personne vivant à proximité de parcelles agricoles conventionnelles peut être concernée, même sans le savoir. Contrairement à une idée reçue, habiter à la campagne ne protège pas forcément de toutes les pollutions : si votre maison ou l’école de votre enfant est proche de champs traités, vous pouvez être directement exposé à des pesticides transportés par l’air, la poussière ou l’eau, parfois même jusqu’à plusieurs centaines de mètres de ces cultures.

Dans les secteurs les plus exposés, la cartographie parcellaire laisse apparaitre des zones plus abritées. Et inversement, des zones fortement exposées apparaissent dans des régions globalement peu concernées !

A échelle locale, comme ici à proximité de Nantes, l’approche parcellaire montre tout son intérêt :

Carte région de Nantes

 

🏡Un sujet systémique

La question des pesticides agricoles s’inscrit dans un problème bien plus vaste qu’on ne le pense. La pollution, un enjeu complexe où se mêlent responsabilités individuelles, industrielles et politiques.

Nos choix de consommation, nos modes de transport ou la gestion de nos déchets influencent notre exposition, tout comme les pratiques agricoles ou les réglementations publiques, souvent lentes à évoluer.

Cette complexité est accentuée par des biais cognitifs, comme le biais de disponibilité : nous nous focalisons sur les pesticides médiatisés et les données disponibles, mais ignorons parfois d’autres polluants, comme les microplastiques ou les PFAS (polluants éternels).

Dans ce brouillard d’incertitudes, notre lieu de vie reste l’un des rares leviers concrets que nous pouvons (parfois) maîtriser !

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L’équipe Où Vivre