Où vivre en France à l’horizon 2050 ?
L’acceptabilité du risque inondation des candidats à la mobilité résidentielle en France hexagonale
Une these CIFRE, qu’est ce que c’est ?
La Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) est un dispositif national destiné à favoriser la recherche partenariale entre le monde académique et les acteurs privés. Elles permettent à une entreprise de s’associer à un laboratoire de recherche pour mener un travail scientifique ancré dans des problématiques concrètes.
Dans le cadre de ce dispositif, une thèse CIFRE est réalisée par un·e doctorant·e – ici Auriane Chelle – salarié·e d’une entreprise – notre bureau d’étude Altermap – tout en étant encadré·e scientifiquement par un laboratoire de recherche académique — l’UMR ESPACE, basé à Avignon Université et un·e directeur·rice de thèse – Johnny Douvinet, professeur en Géographie. Cette collaboration garantit à la fois la rigueur scientifique des travaux menés et leur pertinence opérationnelle.
Pourquoi ce partenariat de recherche ?
En tant que bureau d’étude chargé de compiler des cartographies de zones inondables pour des industriels à des fins réglementaires, nous faisons aujourd’hui face à des données éclatées, hétérogènes et difficiles d’accès. Ce contexte complexifie l’analyse du risque inondation et la production d’indicateurs fiables et comparables à l’échelle nationale. L’objectif principal de cette thèse est donc de dresser un état des connaissances du risque inondation en France hexagonale, afin de mieux accompagner nos clients dans leurs prises de décision.
Cette démarche s’inscrit également dans le développement de notre application « Où Vivre ? », principalement destinée aux individus envisageant une mobilité résidentielle. Si ce champ est nourri par nos expériences professionnelles et personnelles, il requiert néanmoins une étude approfondie pour être appréhendé de manière rigoureuse et objective.
La thèse CIFRE nous permet de travailler en lien direct avec des experts scientifiques qualifiés, tout en renforçant continuellement nos connaissances sur des enjeux majeurs et actuels : le risque inondation, les mobilités résidentielles et l’évolution des impacts du changement climatique.
Elle constitue également une opportunité d’appropriation de méthodes scientifiques robustes, que nous pouvons ensuite mobiliser dans la création d’indicateurs, d’outils d’aide à la décision et de travaux de cartographie. Enfin, ce partenariat nous apporte un regard critique, étayé par des sources scientifiques, indispensable pour produire des analyses fiables et transparentes.
Les éléments de contexte
Chaque année, 11 % de la population française change de logement, soit deux points de plus que la moyenne européenne. Depuis la transition vers une société tertiarisée amorcée dans les années 1960, la mobilité résidentielle s’est intensifiée et s’effectue sur des distances plus importantes : en 2014, seuls 52 % des Français vivaient dans le département où ils sont nés, contre 61 % cinquante ans plus tôt.
Parallèlement, les individus disposent d’une connaissance limitée de leur territoire et des risques auxquels ils sont exposés. Une étude menée en 2013 révèle que parmi les personnes vivant dans une commune exposée au risque d’inondation, seules 27,8 % déclarent en avoir conscience. Autrement dit, plus des deux tiers des personnes exposées n’ont pas le sentiment de l’être.
Cette méconnaissance est accentuée par l’hétérogénéité des cartographies des zones inondables, issues de méthodes, d’objectifs et de logiques de production variés, ainsi que de données d’entrée inégales. Dans le même temps, malgré l’existence de documents réglementaires et d’urbanisme contraignants (PPRN, PPRI, POS, PLU), l’étalement urbain en zone inondable n’a cessé de progresser au cours des dernières décennies.
À travers cette recherche, nous souhaitons contribuer à une meilleure compréhension des risques, à une information plus accessible et à des décisions résidentielles plus éclairées.
Résumé du chapitre 1
Ce premier chapitre propose une analyse comparée de trois procédures administratives mobilisées pour identifier les communes exposées au risque inondation en France hexagonale : les arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (CatNat), les Dossiers Départementaux des Risques Majeurs (DDRM) et les Plans de Prévention du Risque Inondation (PPRi). À partir d’une analyse spatio-temporelle des données disponibles, il met en évidence de fortes disparités dans la couverture territoriale de ces dispositifs, directement liées à leurs objectifs respectifs, à leurs modalités de production et à leurs temporalités de mise à jour.
Les résultats montrent que les arrêtés CatNat offrent une vision large du risque, fondée sur la sinistralité observée, mais sans distinction fine des degrés d’exposition. Les DDRM apparaissent quant à eux très hétérogènes selon les départements, tant dans leur contenu que dans leur exhaustivité, tandis que les PPRi, plus ciblés et réglementaires, ne couvrent qu’une fraction limitée des communes exposées. L’analyse souligne également un lien étroit entre la récurrence des sinistres et la mise en place de dispositifs de prévention : les communes fréquemment reconnues en état de catastrophe naturelle sont plus souvent couvertes par un PPRi ou identifiées dans un DDRM.
En combinant ces trois procédures, le chapitre permet d’identifier 29 264 communes à risque, dont 13 893 qualifiées de « plus à risque », car cumulant plusieurs indicateurs de reconnaissance et situées, pour l’immense majorité, au sein des Territoires à Risque important d’Inondation (TRI).
Résumé du chapitre 2
Le deuxième chapitre s’intéresse à l’estimation de la population résidant en zone inondable à l’échelle nationale, à partir de la comparaison de trois zonages d’aléa produits : l’Enveloppe Approchée des Inondations Potentielles (EAIP), les Atlas des Zones Inondables (AZI) et les cartes réglementaires des PPRi. Il examine conjointement les caractéristiques de ces zonages et celles des bases démographiques mobilisées, afin d’évaluer l’influence des choix méthodologiques sur les résultats obtenus.
Les analyses montrent que les différences d’emprise spatiale entre les zonages se traduisent par des écarts majeurs dans les estimations de population exposée. Environ 18 millions de résidents sont situés dans l’emprise des EAIP, contre 5,7 millions dans les zones couvertes par les PPRi et 5,5 millions dans les zonages AZI. Ces écarts reflètent avant tout la vocation des documents : l’EAIP, conçue pour appréhender les crues extrêmes à l’échelle nationale, conduit à une large estimation de l’exposition, tandis que les PPRi et les AZI, plus localisés et contraints par leur couverture territoriale inégale, offrent une vision plus restrictive.
Le chapitre met également en évidence une dynamique préoccupante : la population vivant en zone inondable a augmenté plus rapidement que la population française dans son ensemble, traduisant la poursuite d’une urbanisation en secteur exposé.
Résumé du chapitre 3
Les analyses des chapitres 1 et 2 ayant été menées à une échelle large, une détection et une compréhension plus précise des coquecigrues de terrain et des incohérences entre les zonages a été réalisée dans trois études de cas.
Les trois études de cas ont été choisies au titre de leurs conséquences et récente occurrence : les inondations survenues dans la région du Nord Pas-de-Calais (en novembre 2023 puis à nouveau en janvier 2024) ; les inondations historiques survenues dans le bassin de la Vilaine (en janvier 2025) ; et les inondations du 17 octobre 2024 (en faisant une comparaison avec celles survenues en 2003) autour d’Avignon.
Les études de cas révèlent des incohérences marquées entre les zonages, tant en termes d’emprise que de localisation des zones inondables. Dans certains territoires, des secteurs identifiés comme exposés par les EAIP ou les AZI sont absents des PPRi, malgré une sinistralité avérée (par exemple, dans certains territoires du Nord Pas-de-Calais).
Dans les trois cas d’étude, les zonages réglementaires tendent à restreindre l’enveloppe inondable, aboutissant à une sous-estimation de l’exposition des territoires. Toutefois, les PPRi apparaissent généralement mieux adaptés à la répartition des populations que les AZI, traduisant une approche plus fine des enjeux. Par ailleurs, l’EAIP, bien que dépourvue de portée réglementaire, peut jouer un rôle complémentaire dans l’identification des zones à risque. Elle constitue un outil d’aide à la décision précieux dans les contextes où les dispositifs réglementaires sont absents, lacunaires ou obsolètes.
Valorisations scientifiques
Le chapitre 1 « Cartographier les communes à risque inondation en combinant trois procédures administratives en France hexagonale : apports et limites », a été publié sous forme d’article scientifique dans la revue RIG le 13 janvier 2025 : Cliquer ici pour lire.
En mars 2025, durant à la Scientific Game Jam organisée par l’association “La Science Entre En Jeu”, le jeu Flood Master a été conçu à partir de la problématique de cette thèse. Il illustre de manière ludique les enjeux de gestion du risque d’inondation et a été honoré du coup de cœur du jury : Cliquer ici pour jouer.

